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Elle marche, seule. Lentement, elle met un pied devant l’autre, avance sans vraiment savoir où elle va. Mais quand bien même, elle y va. Dans cette rue bondée où personne ne semble vraiment la voir, elle laisse ses pas la guider vers un endroit qu’elle espère meilleur. Une terre où elle pourrait enfin trouver un peu de paix et de bonheur. Car son cœur étouffe dans ce monde si cruel où les gens se regardent sans se voir, où tout est faux et contrefait. Elle cherche simplement un peu de vérité, un mince espoir qui lui permettrait encore d’avancer.
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Ce jour-là, lorsque Jess ouvrit les yeux, il faisait encore nuit. La jeune fille devina qu'il devait être à peu près cinq heures du matin étant donné qu'elle s'était endormie vers deux heures. Trois heures de sommeil en une nuit. Génial. L'adolescente savait déjà que ses yeux seraient marqués de larges cernes noirs le lendemain. Enfin, le lendemain qui était en réalité dans quelques heures. Mais Jess avait tout de même l'impression d'être hier. Toutes ces émotions qui l'avaient envahie lorsqu'elle avait découvert le sinistre passé de Jacob, et toutes les émotions qu'elle avait vues passer sur le visage de Margaux étaient encore en elle.
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CHAPITRE 4 : Plus crétin, tu meurs...
Jacob avait les yeux rivés sur la photo que brandissait l’inspecteur. Ce n’était pas possible. Comment cela avait-il pu arriver ? Il était porté disparu depuis sept ans. Mais qu’avait-il fait durant ces sept années ? C’était trop pour lui… Une douleur insoutenable lui comprima les poumons, puis tout fut noir à nouveau…
***
Encore une fois, il rêvait. Et tout était toujours blanc. Elle était encore là, allongée, les yeux clos, ses cheveux blond vénitien encadrant son visage aux traits fins. Une larme roula encore une fois sur sa joue et alla s’écraser dans le paysage immaculé. Jacob s’avança prudemment vers elle et s’agenouilla à ses côtés. Cette fille lui faisait penser à un ange endormi, et la voir pleurer le bouleversait, sans qu’il ne sache réellement pourquoi. Le jeune homme sentait que la réponse était là, quelque part au fond de lui, mais il ne parvenait pas à l’atteindre. Pas encore. Il lui effleura la joue et, instantanément, elle se redressa en sursaut et lui jeta un regard paniqué :
-« N’aie pas peur, murmura-t-il d’une voix qui se voulait rassurante.
La jeune femme lui répondit par un petit gémissement étouffé, mais cette fois-ci, elle ne recula pas. Lentement, elle leva ses yeux, jusque-là fixés sur le sol, vers Jacob. Ce dernier fit un petit sourire, puis se sentit faiblir. Et il eut à peine le temps d’entendre l’inconnue lui murmurer :
- À bientôt… »
Du blanc. Il était encore dans du blanc. Mais cette fois-ci, le jeune homme le savait, il se trouvait dans sa chambre d’hôpital, Jess assoupie à ses côtés. Jacob soupira de bonheur car, pour une fois, la jeune fille ne hurlait pas dès son réveil, ce qui lui fit un bien fou aux tympans.
Pour une fois, il put l'observer bien en détail, puisqu'elle ne sautait pas partout. Elle était, comme à son habitude, très maquillée, mais le jeune homme ne doutait pas que même sans maquillage elle demeurait très belle. Ses traits étaient fins et harmonieux et son visage quelque peu enfantin. Elle avait des joues roses et un peu rondes ainsi que des fossettes à chaque coin de sa bouche rose couverte de gloss. La jeune femme avait l'air de dormir profondément, assise au bord du lit, sa tête reposant sur ses bras. Une jeune fille endormie dans une infinité de blanc... Cela lui rappelait quelque chose, mais il ne savait pas exactement quoi. Les mots qui lui venaient à l'esprit étaient "vénitien" et "elle". Encore "elle"... tout cela était curieux. Mais Jacob n'avait pas la tête à réfléchir pour le moment, alors il s'allongea, ferma ses yeux et, encore une fois, le blanc laissa place au noir.
***
Margaux était à moitié assoupie devant la télévision, un pot de glace aux brownies à la main. Elle jeta un regard vers la pendule. 1h15. Il aurait fallu qu'elle aille se coucher, et pourtant elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. Chaque fois que ses yeux se fermaient, l'image de Martin Hunebelle l'assaillait de tous côtés. Tout ceci était bien trop sombre... Des meurtres, des disparitions, de l'amnésie. La jeune fille songea avec humour que ce scénario ressemblait énormément à la série télévisée qu'elle était à moitié en train de regarder en ce moment même. Sauf que tout ce qui se passait en ce moment se déroulait dans la vie réelle. Et le pire dans tout cela, c'était qu'elle n'était pas au bout de ses surprises, même si elle l'ignorait encore pour le moment.
Le cours de ses pensées fut interrompu par la venue de son grand frère dans son espace vital. Jonas, car c'était le nom du grand frère en question, repoussa sans ménagement les pieds de sa petite soeur et s'affala à ses côtés sur le canapé rouge bordeaux de leur salon.
-" Alors, toujours debout petite soeurette ? demanda-t-il.
- Non, comme tu peux le constater, je dors à poings fermés dans mon lit", lui répondit Margaux avec ironie.
Ce n'était pas qu'elle n'aimait pas Jonas. Et puis, quelque part, elle était obligée d'éprouver un peu d'affection pour lui puisque c'était son frère. Mais parfois il l'agaçait. Elle se demandait comment ils pouvaient être si différents alors qu'ils étaient, normalement, issus des mêmes parents. Leurs différences n'étaient pas au niveau du physique, non, sur ce point là, ils étaient presque identiques, si ce n'est que l'un était un homme et l'autre une femme. Ils avaient les mêmes cheveux bruns et lisses, les mêmes yeux bleus et les mêmes traits du visage. Mais c'était plutôt question caractère qu'on aurait dit deux personnes totalement différentes. Si Margaux était réservée, triste, parfois même un peu blasée et plutôt poète, son frère était très terre à terre, n'avait pas peur de dire ce qu'il pensait et était très sociable. La jeune fille ne l'enviait pas, puisqu'elle savait très bien qu'il était impossible pour elle de devenir comme Jonas. D'ailleurs elle n'en avait pas spécialement envie. Mais, du fait de leurs différences, un espace s'était créé entre eux. Ce qui l'énervait profondément. Elle aurait peut-être pu être un peu plus gentille avec lui, mais elle était comme ça. C'était dans son caractère d'envoyer paître les gens qui commençaient à la percer à jour, qui pouvaient voir à travers sa carapace de silence.
-" Haha, très drôle Margaux, rétorqua-t-il. Bon, tu me passes un peu de glace ?
- Mouais, tiens ! "
D'un geste mou, la jeune fille lui jeta le pot de crème glacé, déposant au passage quelques tâches de chocolat brunâtres sur le canapé.
-" Merci, dit Jonas. Papa va râler pour les tâches par contre ...
- M'en fiche", le coupa sa soeur en fixant de nouveau son attention sur la télévision.
Mais la jeune fille ne put suivre la série policière que quelques instants, puisque son portable se mit à vibrer dans la poche de son sweat gris. Tout en râlant, Margaux décrocha et se leva de son cocon pour aller s'isoler dans la cuisine. Elle n'aimait pas que quelqu'un se mêle de sa vie privée, même Jonas. Enfin, surtout Jonas en fait.
-" Allô ? fit-elle d'une voix fatiguée.
- Salut chérie, lui répondit une voix qu'elle aurait pu reconnaître entre mille.
Son sang se glaça. Paul. Comment diable Paul avait-il pu avoir son numéro, et surtout, pourquoi l'appelait-t-il ?! Et qui plus est à plus d'une heure du matin ?
- Tu as deux secondes espèce de crétin, avant que je ne te raccroche au nez.
- Je voulais juste te parler de ton petit copain amnésique, là. Jacob, je crois. Enfin... Martin devrais-je dire.
- Comment es-tu au courant de ça sale parasite ?
- Et bien figure toi que l'inspecteur en charge de cette affaire, c'est mon père ! Et il m'a parlé d'une gamine brune aux yeux bleus qui n'arrêtait pas de lui lancer des remarques désobligeantes. J'ai tout de suite su que c'était toi. Après tout, il n'y a que toi pour faire cet effet là aux gens, et je sais de quoi je parle.
Voilà qui expliquait tout. C'était pour cette raison que l'inspecteur Durand lui avait paru antipathique dès la première secondes où elle l'avait aperçu. Il avait la même tête que son idiot de fils, dont elle voyait d'ici le petit sourire en coin lorsqu'il lui avait annoncé la nouvelle.
- Bon, c'est pas qu'il est une heure et demie du matin et que tu me soules mais j'ai autre chose à faire alors ciao, crétin."
Et sur ces mots, elle coupa la communication d'un geste rageur. Elle fit volte face pour retourner dans le canapé lorsque son frère apparut sur le seuil de la porte de la pièce.
-" C'était qui ? demanda-t-il. Un crétin ?
- Ah ça, plus crétin tu meurs... Enfin bon, occupe-toi de tes affaires Jonas, moi je vais me coucher. Bonne nuit."
Et elle monta dans sa chambre où elle trouva enfin le sommeil.
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( Musiiiiiiiiiiique : http://www.youtube.com/watch?v=FlsBObg-1BQ )
Lucas avait hâte que la nuit tombe pour pouvoir aller voir Milly à la Colline aux Étoiles. Dès qu’il aperçut les derniers rayons du soleil s’éteindre au bout de l’horizon, il sortit de son petit appartement froid en courant. Curieusement, depuis qu’il avait rencontré cette fille, il avait un peu plus chaud. L’étincelle de bonheur qu’il avait ressentie lorsque son regard avait croisé celui de Milly pour la première fois ne s’éteignait pas et le réchauffait jusqu’au plus profond de son cœur. Dans la nuit perpétuelle qu’était son existence, il pouvait maintenant voir les contours du monde se dessiner autour de lui. Pour la première fois depuis une éternité, il se sentait vivant, enfin presque.
Lorsqu’il arriva à destination, le garçon s’assit sur l’herbe tendre, juste là où il avait rencontré Milly la veille, et prit une grande inspiration. De l’air glacé s’engouffra dans ses narines et il frissonna. Les premières étoiles pointaient le bout de leur nez dans le ciel noir. D’abord une, puis deux, puis des milliers, puis des milliards. La voûte de diamants qu’il aimait tant était maintenant au dessus de ce monde. Il ne manquait plus que Milly. Rien qu’en fermant les yeux, Lucas pouvait la voir, sentir son parfum, la chaleur de sa peau et de ses lèvres.
Il attendit longtemps, très longtemps. Mais elle ne venait pas. Et il sentait que la petite étincelle en son cœur menaçait un peu plus de s’éteindre à chaque seconde qui s’écoulait sans elle à ses côtés. Certes, il avait les étoiles, mais Milly était comme… la Lune. Pas comme le Soleil. Lucas n’aimait pas le Soleil. Son éclat était bien trop puissant pour que ses yeux puissent le supporter. Le Soleil éclipsait la petite lumière qu’émettaient les étoiles dès qu’il commençait à apparaître. Le Soleil effaçait également la Lune, même si aujourd’hui, dans le ciel, il n’y avait ni Lune ni Soleil en vue. Il n’y avait même pas Milly… Peut-être la jeune fille avait-elle senti qu’il n’y avait pas de Lune aujourd’hui et ne venait pas. Toujours est-il que Lucas finit la nuit comme il l’avait commencée : sans la Lune et sans Milly. Seul avec les étoiles. Et sa petite étincelle s’éteignit.
Le lendemain, Lucas retourna à la Colline aux Étoiles, mais avec beaucoup moins d’entrain que la veille. Pourtant, quelque chose lui disait qu’aujourd’hui, Milly viendrait. Peut-être était-ce parce qu’il y avait la Lune aux côtés des étoiles dans le ciel …
Le garçon fit exactement la même chose que la veille : il s’assit toujours au même endroit, inspira une grande bouffée d’air gelé et frissonna de nouveau. Et alors que la voûte céleste commençait à illuminer doucement le ciel, elle apparut. Elle était toujours aussi belle et souriait comme deux jours auparavant : un sourire emplit de bonheur et de sincérité. La petite étincelle de son cœur se ralluma, et doubla même d’intensité. Elle s’assit auprès de Lucas, leva la tête vers les étoiles et posa, comme à son habitude, une question. Mais Lucas ne comprit pas tout de suite pourquoi elle la posait :
-« Où est-on ? »
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Elle se sent délaissée, la petite poupée, au fond de ce grand placard. Cela fait si longtemps qu'elle est enfermée ici... elle en a perdu la notion du temps. Sa jolie robe, si rouge autrefois, n'a fait que perdre de son éclat, comme un coquelicot qui se fanerait car plus aucun rayon de soleil ne daigne venir l'éclairer. Ses longs cheveux bruns ressemblent désormais à des fils de tissus emmêlés, et les magnifiques boucles qui, autrefois, encadraient son visage, se sont détruites, comme alourdies par le poids de tout ce temps passé dans un noir irréel. Ses grands yeux bleus pétillaient jadis de bonheur, mais aujourd'hui, ils sont comme recouverts par un immense voile de tristesse. Ils aimaient tant regarder le soleil, ses jolis petits yeux. Mais cela fait une éternité qu'ils n'en ont pas eu le privilège.
Bien sûr, elle sourit toujours, la jolie petite poupée. Mais son sourire sonne faux. Comme un vieux piano si usé qu'il ne pourrait plus jouer qu'une note sur deux. En surface, elle semble heureuse, mais au fond, son petit coeur de chiffon est déchiré par la solitude. Sa peau si lisse il y a des années, s'est écaillée. Elle est rugueuse, désormais. Ses pommettes ne sont plus rosies par le bonheur d'entendre les rires des enfants autour d'elle. D'ailleurs, cela fait si longtemps qu'elle n'a pas vu un enfant qu'elle ne sait même plus à quoi cela ressemble. Les rires qu'elle connaissait autrefois par coeur ne sont plus aujourd'hui qu'un mince écho qui se perd dans tout ce noir qui l'entoure. Elle a déjà oublié la couleur d'un rayon de soleil, et la sensation des mains d'enfants sur son mince corps fragile. Peu à peu, sa mémoire se vide pour laisser place à un immense noir qui, elle en est sure, finira par faire mourir son petit coeur de chiffon.
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Quinze printemps, et déjà l'envie d'un hiver éternel. Ainsi est sa vie. Un schéma qui se répète sans cesse et qu'elle subit. "Dépression", lui disent les médecins. Voilà un mot bien court pour résumer toute cette douleur qu'elle endure chaque jour, tout ce que la vie ne lui offre que pour le lui reprendre une fois qu'elle s'y est attaché. S'en sortir ...? Elle ne sait plus ce que cela veut dire. Comment s'y prendre ? Sa vie n'est qu'une eau noire et glacée qui remplit son être jusqu'à la noyer. Elle sent le niveau de l'eau qui monte, qui monte en elle. Elle finira étouffée.
"Hôpital", voilà l'échappatoire qu'on lui propose. Elle ne sait même plus quoi en penser. Là-bas ou ici, après tout, qu'est-ce que cela change ? Au final, la fin sera la même : l'hiver au bout du tunnel. Alors elle se laisse conduire jusqu'à ce paradis immaculé dans lequel elle est coupée du monde. Plus personne pour la juger, plus personne pour se demander ce qu'elle fait ici, avec ses yeux pâles et son corps si maigre. Ici, elle est seule, seule à l'automne de sa vie. Et au rythme de ses pleurs, les feuilles vermeilles tombent, piétinées en un crissement qui lui semble bien trop lointain...
Pourtant une personne est là, dans le lit d'à côté. Elle aussi a les yeux pâles comme un ciel d'été sous les premiers rayons du soleil naissant à l'horizon. Elle aussi semble si maigre que son corps menace de se briser à chaque mouvement. Mais pourtant, elle sourit. "Mucoviscidose", voilà ce à quoi se résume sa vie. Et elle ne l'a pas choisi. Croquer la vie avant que l'hiver ne vienne en geler le fruit , voilà ce à quoi elle se raccroche pour partir sereinement. Mais, comment peut-elle encore sourire alors que le froid se rapproche inexorablement du bout de ses lèvres ? Comment peut-elle encore aimer la vie après toutes les épreuves qu'elle lui a fait subir ? " Il y a toujours pire que soi ", voilà ce qu'elle lui dit avec un grand sourire. Mais ses yeux pâlissent, son corps se brise. Elle s'en va rejoindre l'hiver. Et un jour, le lit est vide.
Avec quinze printemps, pourquoi avoir envie d'un hiver éternel alors que l'on peut se laisser porter pas la douceur de l'été ?
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CHAPITRE UN (PARTIE 2) : Je m’appelle Milly. Je m’appelle Lucas.
( Et encore musique : http://www.youtube.com/watch?v=1G4isv_Fylg )
_ Qui es-tu ?
Une seule question innocente qui fut pourtant fatale. Il se referma comme une huitre alors que, quelques secondes auparavant, il se sentait prêt à ouvrir son cœur à une parfaite inconnue, sans vraiment savoir pourquoi. Avec son sourire sincère et empli d'innocence, elle lui avait tout de suite fait pensé à un ange tombé du ciel entre des plumes d'argent. Comme une étoile qui lui aurait fait l'honneur de descendre sur Terre pour le voir plus près. Mais c’était trop tard. Il ne pouvait pas lui répondre et il ne le pourrait jamais, du moins il le pensait. Même la beauté des grands yeux bleus de cette jeune fille n’arrivait pas à lui faire oublier qu’elle avait posé cette question. Alors il ne lui répondit pas. Mais elle garda son sourire si lumineux et émit même un petit rire qui surprit fortement son interlocuteur :
_ Et bien, tu n’as pas l’air de quelqu’un de facile, toi ! dit-elle sans se décourager face à la timidité du garçon. Moi je m’appelle Milly. Quel âge as-tu ?
_ J’ai dix-sept ans, répondit-il doucement.
_ Ah bon ? Pourtant je ne t’ai jamais vu au lycée, c’est curieux …
_ Je ne vais pas au lycée.
_ Pourquoi ça ?
_ Parce que le lycée sert à préparer sa vie future, et je n’ai ni vie, ni futur. Ni présent, d’ailleurs… ajouta-t-il mélancoliquement après une pause.
_ Pourquoi dis-tu ça ? s’étonna Milly. Si tu es là, devant moi, c’est que tu existes. Tu as donc un présent et un futur et même une vie. Il y a bien des choses qui te définissent ? Des choses que tu aimes, des évènements marquants de ta vie, des gens que tu aimes plus que tout au monde ?
Il ne répondit pas. Il trouvait ça stupide de répondre. Il ne comprenait même pas pourquoi cette fille restait là devant lui, pourtant, quelque chose en elle le poussait à parler, à répondre, à s’ouvrir. Il jeta un regard à ses amies les étoiles, puis dit d’un air absent :
_ J’aime les étoiles, mes parents et ma sœur sont morts, je n’aime personne, sauf peut-être toi …
Milly fut surprise par cette déclaration pour le moins étrange. Mais une fois de plus elle sourit et lui dit :
_ Alors tu veux bien me dire ton nom ?
_ Je m’appelle Lucas.
Elle ne dit rien, passa sa main dans ses cheveux si blonds et lui jeta un regard azur avant de lui déposer un léger baiser sur la joue. Puis elle s’en alla. Lucas croyait qu’elle allait partir comme ça, sans rien lui dire, mais juste avant de disparaître, elle lui fit un signe de la main et cria :
_ Moi aussi il se pourrait que je t’aime bien … Lucas.
Milly avait murmuré ce dernier mot comme s’il était un secret inavouable. Même si elle n’avait parlé avec lui qu’une dizaine de minutes, elle sentait quelque chose de magique en ce garçon. Lucas… Il était beau comme un dieu sous les étoiles. De beaux cheveux noirs et des yeux qui semblaient avoir vu beaucoup de choses qu'ils n'auraient pas dû voir, des habits sombres et un regard au dessus de tout ce qu’on pouvait percevoir en ce monde. Il était effectivement comme une vitre en verre. Une vitre de verre dans laquelle on peut se regarder, bien que le reflet qu’elle nous renvoie soit un peu plus pâle et effacé que la réalité. Une vitre de verre qui arrête la pluie mais laisse passer le soleil et ses rayons dorés. A ce moment précis, Milly décida qu'elle serait les rayons de soleil qui viendraient réchauffer le cœur de ce garçon étrange.
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CHAPITRE UN (PARTIE 1) : Qui es-tu ?
( Musique : http://www.youtube.com/watch?v=lWA2pjMjpBs&noredirect=1 )
"Qui suis-je ... " ? Ce matin là, ce fut la première question qui fusa dans sa tête. Et le jeune homme réalisa avec horreur qu'il ne pouvait pas y répondre. Il avait bien un nom, un prénom, mais rien d'autre qui ne puisse le définir. Pas d'amis, pas de famille, pas de passions, pas de vie en somme. Il passait ses journées enfermées dans son petit appartement, vivant sur l'argent que ses parents lui avaient laissé avant de mourir, et ses nuits à regarder les étoiles. Ah, si, c'était la seule chose qui pouvait le définir : il adorait regarder les étoiles. Il aurait vraiment aimé être comme elles, capable d'illuminer la nuit de son rayon de lumière bleuté. Capable de sortir de l'ordinaire, de se faire remarquer. Ne pas marcher dans la rue sans que personne ne fasse attention à lui, ne lui adresse un seul regard. Il avait parfois l'impression d'être transparent comme une vitre en verre.
Il remua ces pensées toute la journée. Puis, quand la nuit arriva, il sortit de chez lui et alla sur ce qu'il avait baptisé " La Colline aux Étoiles ". C'était le seul endroit où il pouvait respirer. Il se fichait complètement que personne ne le voie ici, puisqu'il n'y avait jamais personne pour le voir. Il était seul, et pour une fois, cela ne lui faisait pas mal de le réaliser. Mais cette fois-là, quelque chose, enfin, plutôt quelqu'un, vint troubler sa communion avec les étoiles là-haut dans le ciel.
Au début, il ne la remarqua pas, il se contenta de continuer de fixer inlassablement les astres au dessus de sa tête. Alors elle vint s'asseoir juste à côté de lui. Le garçon sursauta et la fixa de son regard plus sombre que l'encre la plus noire. Il remarqua que le sien était d'ailleurs bleu azur, comme l'océan en plein soleil. Elle avait de longs cheveux blonds et ondulés, une peau très blanche parsemée de quelques tâches de rousseur, des lèvres roses et charnues et une silhouette très fine habillée d'une robe fluide bleue comme ses yeux.
Mais le plus impressionnant fut ce qu'elle fit lorsqu'elle vit qu'il la dévisageait : elle lui sourit. Un sourire qui eut l'effet d'une petite étincelle de chaleur dans la nuit du jeune homme. Cet instant était empli de magie. Mais la phrase qu'elle prononça brisa toute l'atmosphère magique qui régnait :
_ Qui es-tu ?
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INTRODUCTION : Des flammes dans la nuit.
Un peu d'musique : http://www.youtube.com/watch?v=3YxaaGgTQYM
Il était seul, il avait froid. Et par dessus tout, il n'avait pas de raison de vivre. Enfin, pour être plus précis, de raison de survivre, puisqu'il ne vivait pas, il se contentait de survivre. Les plaisirs que la vie avait pu lui offrir étaient partis en fumée au fil du temps, balayés par les doutes et l'incertitude. Son existence n'était qu'une perpétuelle nuit noire et froide, sans aucune lumière pour y voir un peu plus clair.
Du haut de ses dix-sept ans, tout lui paraissait flou, même sa propre raison de rester sur cette Terre. Il devait bien pouvoir servir à quelque chose, non ? Pour l'instant, la réponse à cette question était la seule chose qu'il savait évidente : Non. Un petit mot court et pourtant si cruel. Un refus, une négation de la vie, du droit qu'il avait d'exister.
Avant que tout ça ne lui tombe dessus, il avait une famille aimante, une vie heureuse. Un jour, il y a bien trop longtemps déjà, il avait demandé à sa mère :
_ Dis maman, si la vie avait un nom, ce serait quoi à ton avis ?
La femme avait jeté un regard sur son mari et répondu sans hésiter:
_ Ce serait "Amour", j'en suis sûre.
Alors sans amour on ne pouvait pas vivre ? Si oui, sa fin était plus proche qu'il ne le croyait. Tout ce bonheur s'était noyé dans les ténèbres de cette nuit froide qui ne l'avait plus quittée depuis. Il suffirait pourtant d'une simple étincelle d'amour ou d'espoir pour l'en sortir, mais il attendait encore et toujours. Pourtant ce qui allait lui tomber dessus était bien plus qu'une petite étincelle. Ce seraient des flammes qui dévorent le froid et illuminent tout autour d'elles, l'incarnation même du mot "Amour".
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