• Chapitre 2

    Chapitre 2

     

    CHAPITRE 2 : Plus bizarre, tu meurs…

     

    Il ne bougeait plus et était effondré sur le trottoir en pleine rue devant deux adolescentes complètements paniquées. Des bribes de la conversation des jeunes filles lui parvenaient de temps à autre, mais tout était très confus dans sa tête. La ruelle était mal éclairée et il parvenait à peine à ouvrir les yeux. De ce fait, il ne put pas discerner le visage des jeunes femmes. Il sentit qu’on le prenait par les épaules, puis ce fut le noir complet.

    Tout souvenir déserta sa mémoire à cet instant précis…

     

    ***

     

    La première chose qui lui vint en tête lorsqu’il émergea de son coma fut un seul et unique mot : meurtre. Mais ce mot s’évanouit aussi vite qu’il était apparu pour laisser place à une chambre blanche et très lumineuse. Il était donc à l’hôpital. Génial. Mais d’ailleurs, « Il » ? Qui était il déjà ? Chaque fois qu’il essayait de s’en rappeler, sa tête lui faisait mal, si mal … Tout ça ne présageait rien de bon.

    Mais « Il » eut à peine le temps de se redresser (enfin plutôt d’essayer de se redresser, vu son état) qu’une jeune fille aux cheveux châtains parsemés de mèches blondes et au visage barbouillé de mascara qui avait coulé le long de ses pommettes entra dans un grand fracas.

    _ Margaux, il s’est réveillé ! hurla-t-elle au plus grand désespoir de la tête souffrante du malade.

    N’obtenant aucune réponse, l’adolescente réitéra l’opération avec encore plus de volume sonore :

    _ Margaux, bouge toi ou c’est moi qui viens te chercher et ça risque de saigner ! Allez !

    On aurait dit une gamine impatiente qui faisait un caprice. Il détestait ça. Ce fut à son tour de crier, du moins autant que sa voix fatiguée le lui permettait :

    _ Mademoiselle, je vous ferais remarquer que je viens de sortir du coma, alors pourriez-vous faire un peu moins de bruit s’il vous plaît ?

    Oui, il avait tenté de hurler et le son qui était sorti de sa bouche n’avait été qu’un pâle murmure. Toujours est-il que la gamine aux mèches blondes se retourna et le dévisagea pendant un long moment avant de dire :

    _ Mec, tu viens de l’aristocratie anglaise ou quoi ? T’as vu comment tu parles ? Et t’as quel âge d’abord parce qu’on dirait un vieux papi là ?

    Elle était gonflée. Elle ne le connaissait pas et lui faisait déjà des reproches sur sa façon de parler alors qu’il avait simplement essayé d’être poli avec une inconnue qui, vraisemblablement, lui avait sauvé la vie alors qu’il s'était effondré dans une ruelle. Cette fille promettait. Il regrettait déjà d’être sorti de son coma, qui lui parut tout à coup bien paisible comparé à ce qui était en train de lui tomber dessus.

    _ Je ne viens pas de l’aristocratie anglaise, murmura-t-il. Je viens de…

    Mais d’où venait-il ? Il se sentait presque comme… vide. Quel âge avait-il ? Quel était son nom ? Son passé ? Tout avait disparu… Non…

    Il tenta de toutes ses forces de se souvenir, même si une douleur aigüe l’accueillit lorsqu’il essaya de fouiller dans ses précieux souvenirs.

    _ Ell… murmura-il.

    Puis il retomba une seconde fois dans l’inconscience sous le regard dépité de la jeune fille à son chevet.

     

    ***

     

    Deuxième réveil. Encore une fois, la vive lumière qui régnait dans la pièce le fit plisser ses yeux qui étaient à peine entrouverts. Peu à peu, ses globes oculaires s’habituèrent à la clarté. Cette fois, pas de gamine débile pour lui hurler dans les oreilles dès son réveil. Il y avait bien une fille dans un coin de la pièce pourtant… Elle avait la peau d’une blancheur presque spectrale, des cheveux bruns plutôt communs et dégageait une sensation de… mal être. Elle ne souriait pas. Ses yeux étaient fixés dans le vide, et elle semblait attendre inlassablement. On aurait dit un fantôme. À cette pensée, l’angoisse lui étreignit la gorge, comme un poison mortel, rapide et silencieux. Dans un geste désespéré, il serra de toutes ses forces la mince couverture immaculée qui recouvrait son corps meurtri, ce qui produisit un bruit quasi inaudible de froissement de tissus. À cet instant précis, la jeune fille, qui n’était autre que Margaux, pivota vers lui d’un mouvement sec. Alors il put voir ses prunelles azur le fixer avec intérêt, et la pression se relâcha tout d’un coup. Il lâcha la couverture à laquelle il s’accrochait avec force et prit une grande inspiration, soulagé. Ils restèrent ainsi pendant un long moment, les yeux dans les yeux. Si elle avait des yeux d’un bleu profond, lui les avait d’un marron chaud, presque caramel. C’était… réconfortant.

    Margaux fut la première à détourner le regard. Lui aussi la fixait. C'était toujours pareil. Tout le monde la fixait toujours, comme si elle était une bête de foire. N'y avait-il donc personne pour la comprendre dans ce triste monde ?

    Mais, à la différence des autres, lui n’avait pas cette lueur moqueuse au fond des yeux. Ce garçon était vraiment étrange. Il l’incommodait. Alors elle préférait ne pas le regarder.

    _ Tu… commença-t-elle histoire de combler le silence pesant qui régnait entre eux, qui es-tu au fait ?

    _ Honnêtement ? chuchota-il. Je ne sais pas… Je crois bien que j’ai tout oublié.

    _ Oh, je vois. C’est embêtant.

    _ Plutôt, oui.

    _ Moi, c’est Margaux. Et la fille hystérique qui t’a accueilli à ton premier réveil – enfin si tu t’en souviens – c’est Jess.

    À peine eut-elle prononcé ces mots que son amie entra, comme à son habitude, en trombe. Elle se fendit d’un grand sourire en apercevant le mystérieux inconnu avec l’air bien réveillé.

    _ Oh, mais je vois que tu vas mieux ! s’écria-t-elle. Bon, je n’ai pas pu m’empêcher d’écouter votre discussion, puisqu’il se trouve que j’ai malencontreusement atterri derrière la porte de la chambre, et donc, j’ai décidé que j’allais te trouver un prénom.

    Une grimace se figea sur le visage du patient, surtout parce que Jess criait encore, mais également sur le visage de Margaux, plutôt parce que l’idée de sa meilleure amie lui paraissait un peu débile. Comment pouvait-on choisir un prénom à quelqu’un qu’on ne connaissait même pas ?

    Cependant, Jess, hermétique aux expressions faciales de ses deux comparses, poursuivit ce qui ressemblait fort à un monologue :

    _ Alors, comment pourrait-on t’appeler ? Mmmmm… On t’a trouvé dans une rue et c’était la nuit, donc on va choisir un prénom qui fait un peu peur. Shadow, ça ferait un peu trop « terror of the night » quand même… Et puis c’est plutôt féminin…donc on va dire … Jacob. Voilà, Jacob c’est parfait.

    _ Elle est un peu bizarre, non ? murmura « Jacob » à Margaux.

    _ Ah ça… confirma la jeune fille. Plus bizarre, tu meurs.

     

     


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