• Chapitre 3

    Chapitre 3

     

    CHAPITRE 3 : Plus choquant, tu meurs...

     

      Cela faisait maintenant plus d'une semaine que Jacob était à l'hôpital, et toujours aucun souvenir ... sa mémoire était désespérément vide. Et chaque fois qu'il essayait de se rappeler de la moindre chose, la douleur qu'il éprouvait était si violente qu'elle le faisait s'évanouir immédiatement. Il n'essayait donc même plus de se rappeler. Il se disait qu'il pourrait peut-être apprendre à vivre ainsi. Il pourrait se reconstruire une vie et des souvenirs. Après tout, peut-être qu'il avait fait le choix de tout oublier parce que c'était trop dur de savoir. Peut-être qu'il préférait tout simplement ne pas savoir...

    Chaque jour, Jess et Margaux venaient lui rendre visite, la première criant de toutes ses forces en affichant un sourire lumineux, et la deuxième parfaitement silencieuse et aussi parfaitement désespérée par le comportement de son amie.

    Mais il les appréciait pourtant toutes les deux, et ce malgré leurs différences si flagrantes. L'une était effrontée, charismatique, pleine d'humour et un peu trop joyeuse, l'autre belle, mystérieuse, triste et un peu trop renfermée. Jacob se demandait sans cesse pourquoi elles étaient amies. Mais à chaque fois qu'il osait poser la question à l'une ou l'autre des jeunes filles, il n'obtenait pas de réponse. Jess changeait immédiatement de sujet et se mettait à crier encore plus fort, tandis que Margaux faisait mine de ne pas avoir entendu et se murait un peu plus dans sa solitude silencieuse. Le jeune homme avait donc appris à éviter la question.

    Une autre chose dont il devait éviter de parler en présence de Jess était la famille. Il avait remarqué qu'à chaque fois qu'il la mentionnait, la jeune fille s'arrêtait subitement de sourire. Et une Jess sans sourire, c'était comme un ciel sans étoiles. Sombre. Presque contre-nature.

    Et ainsi, peu à peu, jour après jour, il apprenait à les connaître, à savoir ce qui leur plaisait à l'une et à l'autre, ou ce qu'elles détestaient purement et simplement. Et après peu de temps, ces deux jeunes filles furent son seul et unique souvenir. Mais un jour, tout bascula.

     

     

    ***

     

     

    La lumière du soleil levant pénétra lentement dans l'impersonnelle et immaculée chambre d'hôpital que Jacob occupait maintenant depuis une dizaine de jours. Ce dernier était étendu sur son lit et dormait à poings fermés. Il avait l'air paisible... d'ailleurs il l'était sûrement. Mais plus pour longtemps. Pour l'instant, il avait la conscience tranquille, et aucun problème (mis à part la perte de ses souvenirs) dont il devait se préoccuper... même si ce n'était qu'un peu de soleil avant la tempête qui allait s'abattre sur sa vie.

    Toujours était-il que, pour le moment, il dormait. Il rêvait même. Dans ses songes, une jeune fille aux cheveux blond vénitien se tenait seule dans une infinité de blanc. Un sourire triste étirait le coin de ses lèvres roses et gercées. Silencieuse, elle se déplaçait lentement vers Jacob qui la regardait inlassablement, incapable de prononcer un seul mot. Elle plongea ses prunelles dans celle du jeune homme et son sourire se fit plus triste encore. Voyant le désarroi de la jeune femme à son égard, Jacob esquissa un mouvement et, instantanément, elle recula d’un pas. Sans savoir pourquoi, son cœur se serra à cette vision. Il avait comme une impression de… déjà-vu. Comme si cette jeune fille était déjà partie loin de lui auparavant. Jacob éprouvait de l’affection envers elle sans savoir pourquoi. Il s’approcha subitement et la prit dans ses bras, car il en ressentait comme... le besoin. Mais à peine fut-elle enfermée dans son étreinte qu’elle disparut purement et simplement, comme de la vapeur d’eau. Une larme roula sur la pommette du jeune homme, et il s’éveilla en sursaut. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il se retrouva nez à nez avec Margaux qui le dévisageait d’un air inquiet.

    _ Jacob, ça va ? demanda-t-elle lorsqu’elle vit qu’il ouvrait les yeux.

    _ Oui, enfin pas vraiment, je… qu’est-ce qui s’est passé au juste Margaux ?

    _ Pour être franche, je ne sais pas vraiment. Tu gémissais dans ton sommeil. Tu n’arrêtais pas de répéter « elle », « elle », sans arrêt. C’était un peu flippant d’ailleurs…

    _« Elle » ? Pourquoi « elle » ? J’ai dû rêver de quelqu’un, probablement une femme, mais je ne m’en souviens absolument plus. Il y avait juste… du blanc.

    Margaux n’eut pas le temps de répondre à Jacob.

    Un officier de police entra dans la pièce, une pochette emplie de divers documents à la main. Il était grand à la peau mate, et musclé. Des cheveux bruns encadraient son visage aux traits fins. Il dégageait quelque chose de familier et, pour une raison quelconque, Margaux ne l’aimait pas du tout.

    L’homme dévisagea Jacob avec une expression désolée, puis demanda :

    _ Vous êtes ?

    _ Jacob. Je suis Jacob, déclara le jeune concerné. Que me vaut votre visite, monsieur ?

    _ Sûrement rien de bon… grommela Margaux, que le policier gratifia d'un regard noir.

    _ Je vous remercie pour votre commentaire mademoiselle … ?

    _ Margaux, dit-elle simplement, une expression hostile au fond des yeux.

    _ Bien. Margaux, donc, je vous remercie pour votre commentaire sarcastique. Je suis pourtant au regret de vous dire qu’il est véridique.

    La jeune fille leva les yeux au ciel. Les policiers avaient une façon d’enrober les mauvaises nouvelles dans de petites remarques polies qui l'agaçaient profondément. Mais le gardien de la paix ne releva pas et poursuivit.

    _ Je suis l’inspecteur Durand, et je suis en charge d’une affaire un peu particulière. Enfin, plus précisément, j’étais en charge de cette affaire il y a des années, mais on l’a classée au bout de six mois sans l’avoir résolue.

    Jacob, qui commençait également à être agacé par tout cet enrobage, dit d’une voix plus sèche qu’il ne l’aurait voulue :

    _ Allez droit au but inspecteur, je vous prie.

    _ Bien, acquiesça ce dernier. Il s’agissait d’un jeune homme d’une douzaine d’années qui a été porté disparu en 2006, c’est-à-dire il y a sept ans. Il s’appelait Martin Hunebelle et habitait près d’ici, à environ une dizaine de kilomètres. Ses parents ont été assassinés et on ne l’a toujours pas retrouvé. D’ailleurs, nous pensons qu’il a été témoin du meurtre de ses parents, et par conséquent, sans lui, nous ne pouvons pas retrouver le meurtrier non plus.

     Et en quoi tout cela a-t-il un rapport avec Jacob ?

    Les trois personnes présentes dans la pièce se retournèrent en un même mouvement vers la porte pour y découvrir Jess, une expression bien moins joyeuse qu'à l'accoutumée peinte sur le visage.

    _ J’y viens mademoiselle, poursuivit le policier. Il se trouve qu’il y a quelques années, nous avons fait, à l’aide d’un logiciel informatique, le portrait de ce à quoi pourrait, ou aurait pu ressembler ce jeune homme lorsqu'il aurait environ dix-huit ans. Et… en fait ce serait plus simple de vous le montrer.

    L’inspecteur Durand sortit de sa pochette bleu foncé une photographie, qui s'apparentait presque à un cliché anthropométrique. Elle représentait donc un jeune homme, ce qui n’avait rien de choquant. C’était plutôt l'aspect des traits du jeune homme en question qui coupa le souffle aux trois jeunes gens. C’était le portrait craché de Jacob. Trait pour trait. Jacob était en fait Martin Hunebelle, porté disparu depuis plus de sept ans.

    _ Plus choquant, tu meurs… lâcha Margaux, comme à son habitude.

     

     

      


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